Association des Professeurs de Français du Bénin

Journée mondiale de l’Enseignant

L’Association des Professeurs de français du Bénin célèbre ses membres dans le Plateau

 

Sous l'initiative du Bureau de la section APFB-PLATEAU, la journée du mercredi 5 octobre n'est pas passée inaperçue dans le département du Plateau. Les Enseignants des cinq communes de la section se sont retrouvés pour diverses activités :  communications, causeries et autres actes ludiques ont été organisées avec la participation de divers acteurs et autorités pédagogiques ou administratifs : Inspecteur, Conseillers pédagogiques, Chef d’Etablissement, Directeurs des Etudes et autres.

Au regard du thème de l’UNESCO pour cette 28ème édition, « Enseignant, acteur principal du changement de mentalité » et du contexte national, les participants, sur tous les sites, ont unanimement reconnu que beaucoup d’efforts restent à fournir par notre pays et ses dirigeants afin que l’Enseignant bénéficie de la considération qui lui est due pour servir au mieux le système éducatif.

Lire la communication de l’Inspecteur Nevis Maurice, illustrative de ce constat en annexe de ce compte rendu.

 

Pelphide TOKPO

Secrétaire général APFB /PLATEAU

 

 

CONFERENCE DE L’ASSOCIATION DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS DU BENIN – SECTION PLATEAU

DATE : 05 OCTOBRE 2022

LIEU : CEG 1 DE POBE

HEURE : 15 HEURES

THEME : LA TRANSFORMATION DE L’EDUCATION COMMENCE PAR LES ENSEIGNANTS

L’éducation est le processus par lequel l’Etat, la société ou des individus assurent la formation des générations montantes, en développant chez elles, les aptitudes physiques, intellectuelles, psychiques, morales qui leur permettent d’agir plus tard de façon autonome et de devenir membres à part entière de la société. Elle exige et engage de la part de ses acteurs toutes sortes de moyens. La mise en œuvre de l’éducation est d’autant plus préoccupante au plan mondial qu’une structure faitière en assure la gestion. Il s’agit de l’UNESCO : l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. C’est donc dans le but de donner à l’éducation ses lettres de noblesse et honorer l’enseignant que cette instance mondiale a consacré le 05 octobre de chaque année, la journée internationale de l’ENSEIGNANT. Un thème est choisi afin d’encourager à faire de l’enseignant, un artisan crédible de la craie, du savoir et du savoir-faire : « La transformation de l’éducation commence avec les enseignants.».  L’enseignant est donc la cheville ouvrière de la réussite de tous les processus et politiques éducatifs. Pour mieux cerner les contours de cette réflexion, nous nous attèlerons d’abord à clarifier les concepts clés du thème de cette année. Ensuite, nous présenterons les facteurs à mettre en exergue pour réussir le projet de transformation de l’éducation. Nous montrerons en dernier lieu, le rôle qui incombe à l’enseignant dans le processus de transformation de l’éducation à l’ère des technologies nouvelles.

  1. Clarification des concepts :
    1. Transformation renvoie d’abord à transformer qui signifie « action de métamorphoser ou changer de forme.». Dans le domaine de l’éducation,  ce mot signifie : opérer des changements, faire des réformes dans le système éducatif.
    2. Education signifie : action d’éduquer. Que signifie donc « éduquer » ?

Eduquer : ce mot vient d’un autre mot latin qui est : « e-ducere », qui signifie : sortir de, mettre au monde. Cette explication met en exergue tout le programme de l’action éducatrice. Il s’agit donc d’amener l’enfant qui nous est confié à maturité pour en faire un adulte. C’est un être libéré des chaînes, tout entier au service de la vocation humaine. (M. Guilhem  et R. Maguérès, 1966). C’est  diriger le développement, la formation de quelqu’un par l'éducation. C’est aussi cultiver, développer, dresser, élever, former et nourrir.

        En ce qui concerne le mot Education, ses contours et sa charge symbolique sont si forts qu’il serait hasardeux et risqué pour nous de nous aventurer dans le champ d’une définition personnelle. Nous allons nous contenter de quelques définitions représentatives qui riment bien avec notre contexte. Ainsi, selon  Jean Racine, un des célèbres dramaturges du 17è siècle, « L’Education, après l’être, est le plus riche présent que les pères puissent faire aux enfants.». Pour Durkheim, « l’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mures pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant, un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu social auquel il est particulièrement destiné. ». Selon Jean Piaget, éduquer, « C’est adapter l’individu au milieu social adulte, c’est-à-dire transformer la constitution psychobiologique de l’individu en fonction des réalités collectives auxquelles la conscience commune attribue quelque valeur. » (Françoise Raynal et Alain Rieunier, 2014)    

  1. Enseignant : un enseignant, selon le dictionnaire (Robert, 2022) est celui qui est chargé d’enseigner. Nos recherches nous ont conduit vers le dictionnaire de Françoise Raynal et Alain Rieunier intitulé : Pédagogie, dictionnaire des concepts clés. Les auteurs, dans ce livre, se sont plutôt penchés sur l’enseignant efficace. Ce qui nous amène à nous intéresser à quelques caractéristiques de l’enseignant dit « efficace » :

 

  1. Enseignants efficaces :
  • Ils sont « enthousiastes, chaleureux, généreux, passionnés par leurs discipline, respectueux de leurs élèves… »
  • Ils « utilisent une terminologie précise et des développements structurés par un but clair pour l’auditeur. Ils signalent l’importance des informations… ».
  • « Les enseignants efficaces sont également très organisés, c’est-à-dire qu’ils commencent leur cours à l’heure, s’appuient sur des routines comportementales qu’ils ont installées chez les élèves dès le début de l’année, le matériel à utiliser est préparé et disponible sur une table près de leur bureau, afin d’éviter les temps morts.».
  • « Les enseignants efficaces ont des objectifs clairs et des outils d’évaluation congruents avec leurs objectifs et avec les situations d’apprentissage qu’ils proposent.».
  • « Les enseignants efficaces sont des experts en maïeutique, capables de construire au pied levé un questionnement efficace. Si un élève a des difficultés, l’enseignant efficace est capable de modifier totalement sa stratégie de questionnement, de proposer des indices supplémentaires, d’imaginer des exemples nouveaux, en relation direct avec les intérêts de l’apprenant pour que celui-ci trouve les réponses.».
  • L’enseignant efficace « termine ses épisodes d’enseignement par une phrase de synthèse qui résume les conclusions auxquelles le groupe est parvenu.».
  •  
  • Enfin, l’enseignant efficace « est un professionnel de la formation, il maîtrise une panoplie impressionnante de techniques pédagogiques et de modèles d’enseignement qu’il choisit en fonction des caractéristiques de son public et du type d’objectif visé.».  (Françoise Raynal et Alain Rieunier, 2014)    

Les qualités de l’enseignant efficace ci-dessus énumérées par le dictionnaire (Françoise Raynal et Alain Rieunier, 2014) révèlent que l’atteinte des objectifs repose fondamentalement sur l’enseignant qui se doit d’être efficace. De ce fait, il s’avère opportun de nous interroger sur la nécessité ou non de transformer véritablement l’éducation.   

 

  1. La transformation de l’éducation : une nécessité ?

Transformer l’éducation se veut une impérieuse nécessité. En effet, chaque Etat soucieux d’un développement harmonieux et équilibré doit concevoir une politique éducative en phase avec ses nobles ambitions. Dans cette dynamique le système éducatif concerné doit s’arrimer avec les ambitions de développement afin de s’adapter aux réalités du temps. Dès lors l’offre éducative doit préparer les individus, la société à affronter les problèmes nouveaux et  relever des défis actuels. Notre pays, le Bénin est parfaitement en phase avec les ambitions et objectifs de l’UNESCO car depuis 2016, il s’est résolument engagé dans la voie de l’amélioration des performances du système éducatif et la formation d’un citoyen de type nouveau. Le système éducatif béninois doit viser à former des hommes physiquement et intellectuellement équilibrés, des élites capables de gérer la cité, des travailleurs performants et responsables. Ce que stipule le Plan sectoriel de l’éducation post 2015 : « Le premier des quatre objectifs thématiques du PND 2018-2025 est de « faire de tous les béninois (es) des hommes et des femmes épanouis, rayonnants de santé, compétents et compétitifs pour répondre aux exigences du développement durable, de bonne gouvernance et du bien-être collectif ». De même, le PAG, adopté en octobre 2016 et rendu public en décembre 2016, fait de l’éducation l’une de ses priorités dans son axe stratégique n° 5, à savoir « l’Amélioration des performances de l’éducation » et en son pilier 2 qui vise « la transformation structurelle de l’économie afin que les ressources humaines soient dotées de capacités nécessaires pour impulser le développement durable et le renforcement de l'unité nationale.». (Plan sectoriel de l’éducation post 2015)

Rappelons au passage que l’éducation ne doit pas non plus occulter les volets affectif, moral et artistique. A ce propos, Jean Fourastié disait : « Il est donc clair qu’une éducation qui se bornerait à ne former dans l’homme que le travailleur échouerait totalement, et même du strict point de vue du travail. Car il est impossible que l’homme fournisse un travail durablement dynamique, s’il n’a pas un minimum d’équilibre affectif, sentimental, caractériel, artistique, moral.». Quels sont alors les acteurs de l’éducation ?

2.1- L’éducation et ses acteurs

Incontestablement, l’éducation ne saurait être l’apanage exclusif des enseignants. Plusieurs autres acteurs concourent à la mise en œuvre de la politique éducative et de l’atteinte des objectifs de formation. Bien que la répartition des rôles et des tâches dans l’ensemble du système soit loin d’être évidente, nous pouvons citer quelques acteurs. Parmi ceux intervenant dans le processus éducatif, nous avons : l’Etat, les Enseignants, la famille (les parents) et citoyens de tous ordres. Parmi ces acteurs, le rôle de l’enseignant doit être capital.

2.2- Pourquoi l’enseignant doit-il transformer l’éducation ?

Toute réflexion sur le thème doit nous conduire à nous interroger sur la pertinence et l’opportunité de confier la transformation de l’éducation à l’enseignant. A première vue, c’est l’Etat qui transforme l’éducation car chaque régime politique choisit son orientation en lien avec son projet de société. Dans cette dynamique, l’enseignant n’est qu’un acteur chargé de la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière d’éducation. Il va donc de soi que c’est l’enseignant efficace, tel que défini plus haut, qui pourra opérer les transformations souhaitées. Mais, dispose-t-il d’atouts nécessaires pour la réalisation de cette noble ambition ?  

Il y a nécessité de transformer l’éducation parce qu’elle doit s’adapter aux réalités de chaque temps et préparer la société, les individus à affronter des problèmes nouveaux et à relever les défis actuels. Le rôle de l’enseignant dans l’éducation et la formation du jeune apparaît comme prépondérant. Donc, si l’éducation doit être transformée, l’enseignant devient le premier acteur dans cette entreprise.

 

3-  Comment l’enseignant peut-il transformer l’éducation ?

         L’enseignant peut transformer l’éducation en prenant conscience de sa responsabilité et sa lourde mission. Il doit surtout faire l’effort de se mettre au-dessus de toutes les contingences pouvant entraver sa vocation de former.

3.1- L’enseignant et le contexte national et international actuels

Quelques interrogations :

  • L’enseignant peut-il transformer l’éducation face à l’existence d’un  contexte national et international démotivants ?
  • L’enseignant peut-il transformer l’éducation dans un cadre de travail aussi démotivant ?
  • L’enseignant peut-il transformer l’éducation en vivant dans la précarité ?
  • L’enseignant peut-il aspirer à transformer l’éducation sans remettre en cause ses propres déviances?
  • La situation actuelle de l’enseignant, aux multiples plans de sa nature d’être humain, de citoyen de la nation, de sa vocation, de sa formation, de son recrutement, de sa carrière, de son avancement, de son travail, de son épanouissement ainsi que celui de sa famille, lui permet-elle de transformer l’éducation ?

     Assurément, nous pouvons répondre par l’affirmative, c’est-à-dire : « oui!».

 

3.2- Comment doit-il s’y prendre ?

Arthur C. Clark déclare : « La meilleure façon de découvrir les limites du possible est de s’aventurer un peu au-delà dans l’impossible.». L’enseignant doit puiser dans sa volonté et son esprit de sacrifice les efforts nécessaires pour réussir cette mission. La supériorité numérique des enseignants à l’échelle mondiale est déjà un atout pour que ce défi soit relevé. A ce titre, Jean-Pierre Chevènement, Homme d’état et Homme politique français déclare : « Le corps enseignant est la plus grande armée, après l’Armée rouge.». Malala Yousafzai, Femme politique pakistanaise (1997), renchérit en soutenant : « Un enseignant, un livre, un stylo, peuvent changer le monde.». La réussite de la mission exige par ailleurs que l’enseignant soit conscient de ses droits et devoirs.

  1. Les droits de l’enseignant
  • Etre formé.
  • Etre recruté pour exercer le métier.
  • Bénéficier d’une formation continue.
  • Travailler dans de bonnes conditions avec des équipements et infrastructures adéquats.
  • Bénéficier d’une assurance.
  • Evoluer et jouir d’une bonne carrière.
  • Bénéficier d’une retraite et d’une pension de retraite.
  • Etc.
  •  
    1. Les devoirs de l’enseignant
  • Se faire former et se former.
  • Faire preuve de professionnalisme.
  • Connaître et maîtriser les textes qui régissent l’administration scolaire ;
  • Avoir une bonne maîtrise des connaissances académiques.
  • Se cultiver, aimer lire et apprendre, « La différence entre l’enseignant et l’élève est que l’enseignant ne cesse pas d’apprendre.», souligne le rwandais Thomas Gatabazi.
  • Faire montre d’une bonne éducation.
  • Avoir de la retenue face à ses pulsions sexuelles notamment.
  • Se remettre toujours en cause.
  • Bien se nourrir.
  • Savoir bien s’exprimer.
  • Bien s’habiller.
  • Cultiver l’écoute.
  • Etre démocrate.
  • Etre flexible sans être faible aux plans des connaissances intellectuelles et du savoir-faire professionnel.
  • Etre toujours ponctuel.
  • Avoir un bon rayonnement social.
  • Cultiver le respect des collègues, des apprenants et de la hiérarchie.
  • Accomplir consciencieusement ses tâches professionnelles.
  • Elaborer convenablement ses fiches de cours.
  • Connaître les programmes d’études.
  • Connaître et respecter les plannings d’exécution des programmes.
  • Prendre en compte les plannings internes de son collège.
  • Eviter les retards dans le compte-rendu des évaluations.
  • Faire des remédiations adaptées.
  • Participer aux Animations Pédagogiques Hebdomadaires (APH) et Animations Pédagogiques de Zone (APZ).
  • Faire des propositions à l’autorité afin que les offres de formation soient en adéquation avec le marché de l’emploi.
  • Suivre sa carrière.
  • Etc.
  •  
  1. Les rôles académique, professionnel et social de l’enseignant
  • Faire de l’enfant, un être adapté qui épouse avec bonheur les conditions de vie de son milieu.
  • Rendre l’enfant autonome par la formation en lui permettant de se conduire librement par lui-même.
  • Assurer à l’enfant, une formation physique, intellectuelle, morale, artistique et professionnelle pour son épanouissement ainsi que son rayonnement social.
  • Faire de l’enfant un être orienté vers des valeurs.
  • Former l’enfant par l’exemple, par modélisation.
  • Promouvoir l’excellence.
  • Etc.

En guise de conclusion, reconnaissons que le monde actuel, face à la baisse du niveau des apprenants,  au chômage et à la perte des valeurs,  se trouve confronté à un impératif majeur : éduquer convenablement les générations actuelles et futures. L’enseignant est le principal acteur capable de forger l’éducation devant permettre d’atteindre cet idéal. Il doit donc se mettre à jour et devenir un enseignant efficace afin de relever les défis de l’éducation actuelle. Cependant des interrogations persistent et paraissent insolubles au regard de la décadence fonctionnelle des systèmes éducatifs de nos pays et au plan mondial. L’enseignant est-il suffisamment formé pour atteindre cet objectif de l’UNESCO ? Est-il prêt à s’engager sur cette route parsemée d’embûches et d’écueils ? De quels outils et armes dispose-t-il ? A-t-il l’accompagnement de l’Etat ? Le vent lui est-il favorable ? Connaît-il sa destination ? Dispose-t-il d’une boussole ?

 

 

Maurice NEVIS,

Inspecteur de français,

DDESTFP-Plateau

MERCI DE VOTRE AIMABLE ATTENTION